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Philosophe et paysan (c'est un signe plutôt favorable qui annonce beaucoup de bon sens !), démocrate éclairé, antimilitariste, anticlerical en un temps où il etait bon de l'etre, séducteur et homme solitaire, Alain invente en 1906, à trente-deux ans seulement, un art qui lui apportera une gloire jamais démentie : celui de chroniqueur moraliste.

Il observe chaque jour, avec un talent à faire pâlir les plus perspicaces des chroniqueurs mondains, les choses de la vie, jusqu'aux plus petites, pour en tirer des commentaires éclairés de science, de réflexion philosophique, d'humour et de finesse. Le genre des "propos" est né.

Le trait est incisif, la vivacité de son esprit remarquable, mais surtout Alain pratique l'art du déplacement. Avec humilité et respect, il revisite les plus grands problèmes philosophiques, certes pour en souligner le genie (ses maitres sont Platon definitivement, Aristote sûrement et surtout "l'irreprochable" Kant ) mais ce faisant, au detour d'un mot bien pensé, d'une remarque d'allure anodine, il déplace l'accent du problème, il renouvelle ou réinvente la philosophie, comme on voudra. Il la revivifie !

Aujourd'hui, on l'écouterait au volant, dans les embouteillages, avant de se rendre au travail, sur France culture. À l'époque, et très modestement, Alain publia dans La Dépêche de Rouen, puis dans La Nouvelle Revue Française.

C'est peu dire qu'Alain devint le maître à penser de son époque ! Une periode troublée qui vit la montée du fanatisme, de l'autoritarisme, du fascisme et du totalitarisme, bref des extremismes de tout poil, comme réponses aux excès de la civilisation (l'industrialisation massive, la perspective de la guerre, le racisme, la barbarie...). Alain se voulait defenseur immodéré de la raison, des libertés, de la tolérance, de la democratie, de la paix. Voilà pourquoi Alain a encore des choses à nous dire, tant ces menaces rôdent encore aux portes de nos villes...

Ses modèles ? Socrate et Montaigne. Ça suffit pour lui faire confiance. Une autre raison est que Louis Émile Chartier (c'était son vrai nom) resta simple toute sa vie d'homme. Alain fut toujours du côté des braves gens et sa bonne humeur stoïcienne fut son blason.

Même au sommet de sa gloire (et Dieu sait s'il en eut !), Alain ne se départit jamais d'un bon sens et d'une humeur tempérée.

Alain était beau, et il plaisait aux dames. Mais il ne se décida au mariage qu'à un âge tardif. Il avait soixante-dix ans.

Il est émouvant de savoir que c'est une amie d'enfance, madame Morre-Lambelin, avec qui il avait entretenu une relation fidèle et constante pendant quarante ans, qui sentit, un beau jour de l'an 1925, l'impérieux devoir de réunir soixante "propos" (auxquels s'ajouteront trente-trois autres dans l'édition de 1928 à la NRF) qui s'articulent tous autour du bonheur.

Succès immédiat, jamais démenti.

Que nous dit Alain dans ces Propos sur le bonheur ? Que pour être heureux il y a des conseils de prudence et des recettes utiles. Et surtout : la vie heureuse demande quelque courage. Enfin que le courage relève d'une ferme décision. Mais le plus important est que "la bonne humeur est la forme la plus humble du bonheur".

Vous n'en êtes pas persuadés ? Écoutez encore Alain : "Le bonheur dépend des petites choses, quoiqu'il dépende aussi des grandes".

Si vous voulez goûter de ce bonheur qu'Alain assure à notre portée, lisez ces modestes propos, il vous en viendra peut-être le goût de "vivre en roi sur un escabeau", qui semble bien le secret jalousement gardé de Louis-Émile Chartier et qu'Alain ne révèle qu'au détour.

Kristof Hancke

ALAIN : Propos sur le bonheur
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